La Fille Intelligente

Un paysan et sa femme qui travaillaient aux champs avaient laissé leur petite fille dans son berceau à la maison. Une vieille femme entra doucement et embrassa l’enfant sur les yeux et le front. « Je t’apporte deux dons », dit-elle, « la Beauté et l’Esprit. »

Lorsque les parents revinrent, ils reconnurent à peine leur enfant tant elle était devenue belle. En grandissant, elle devint la plus belle et la plus intelligente de toute la campagne. Un jour, alors qu’il travaillait dans sa vigne, le paysan trouva un mortier en or massif. « Cela ne me sert pas à grand-chose », dit-il, « mais quel beau cadeau pour le Roi ! Je vais partir sur-le-champ. »

Il rentra chez lui pour mettre son habit du dimanche. Mais Pina, sa fille, lui dit : « Tu ferais mieux de ne pas faire ça. Si tu montres le mortier au Roi, il ne manquera pas de te demander : ‘À quoi sert un mortier sans un pilon ?’ » « Balivernes ! », répondit son père. Puis il partit.
Il se présenta au Palais, se jeta aux pieds du Roi, et dit : « S’il vous plaît, Majesté, accepteriez-vous ce cadeau ? »

« Très beau, très beau ! » répondit le Roi en prenant le mortier. « Mais où est le pilon ? » « Je n’ai pas trouvé de pilon », dit le paysan. « Trouver un mortier sans pilon ? Impossible ! Tu le gardes pour toi. Si tu ne m’apportes pas le pilon demain matin, je te ferai jeter en prison pour vol ! »

Le pauvre paysan n’en croyait pas ses oreilles et, en s’en allant, il ajouta : « Ah, que ma fille est sage ! » « Qu’est-ce que tu dis ? » demanda le Roi. « Seulement que ma fille Pina m’avait prédit que sa Majesté demanderait le pilon au lieu de se contenter du mortier. Elle me disait que j’étais fou de vous l’offrir ainsi. »

« Eh bien, ta fille est bien plus maligne que toi. » Le Roi, qui n’était pas un mauvais homme au fond, mais plutôt avide et capricieux, un peu comme un enfant gâté, ajouta : « Écoute, je vais donner à ta fille maligne une tâche à accomplir. Tiens ! Prends ce lin et dis-lui de filer assez de linge pour habiller toute mon armée. »

Et il remit au pauvre paysan stupéfait le lin et des fuseaux et quenouilles faits en os de poisson. « Si elle refuse ou si elle n’est pas capable de le faire, je vous jetterai en prison tous les deux. Ha ! ha ! Au revoir ! »

Quelle formidable tâche à rapporter à sa pauvre fille ! Mais Pina se contenta de rire. « Laisse-moi le lin », dit-elle; « et retourne les quenouilles et les fuseaux au Roi ; et dis-lui que je travaille ardemment. Que je ferai les chemises pour son armée entière quand il me fera un métier à tisser avec ces os de poisson. »

On pourrait penser que le paysan n’avait pas envie de rapporter un tel message au Roi. Mais il le fit néanmoins. Peut-être le Roi serait-il dans de meilleures dispositions ce matin-là.

Quand il rapporta les mots de Pina, le Roi était ébahi. « Eh bien, elle est audacieuse, ta fille ! Ce n’est pas une fille ordinaire. J’aimerais la rencontrer, et peut-être lui trouver un mari. Dis-lui qu’elle peut arrêter de filer le lin ; mais elle doit venir me voir ici. Toutefois, il y a une condition » — le Roi aimait bien taquiner — « elle ne doit venir ni en vêtements, ni nue, ni marchant sur ses pieds, ni montée sur cheval, âne ou mule. Ha ! ha ! Bonne journée à toi, mon homme ! »

« Quelle mission difficile ! » se disait le père désespéré. « Malgré toute son intelligence, cette tâche est impossible à accomplir pour elle. »

Il transmit le message du Roi à sa fille, et elle se contenta de rire. « Oh, c’est plutôt facile ! » dit-elle. Puis elle alla dans sa chambre, se déshabilla, laissa tomber ses longs cheveux épais, qui lui arrivaient jusqu’aux pieds, et se les drapa tout autour d’elle en un grand filet.

Elle alla ensuite dans le champ, attrapa le vieux bélier de son père, mit un pied sur son dos et sauta le long de la route jusqu’à la ville. Ainsi, elle atteignit le Palais. À la vue de Pina, le Roi éclata de rire, de bonne humeur, et dit : « On ne peut jamais s’ennuyer avec une telle épouse ! Pina, veux-tu m’épouser ? »

Ainsi, le Roi épousa Pina, la fille intelligente du paysan, et ils vécurent ensemble heureux et joyeux. Mais un jour, alors qu’il se promenait à la campagne, le Roi aperçut un beau cheval broutant dans un pré. « C’est un magnifique animal ! » dit-il. « Je n’ai pas son pareil dans mes écuries. » Il ordonna à son serviteur de s’en emparer et de le ramener aux écuries royales. Bien sûr, le fermier qui possédait le cheval fut très en colère et vint le réclamer ; mais le Roi le renvoya avec mépris.

La reine Pina, qui avait assisté à la scène, supplia son mari d’agir justement, de rendre le cheval et de s’excuser auprès du fermier, ou de proposer de l’acheter à un prix équitable. Mais son mari était très obstiné et refusa. Alors, la reine envoya secrètement chercher le fermier et lui suggéra un moyen pour récupérer son cheval.

Le fermier écouta et suivit ses conseils. Avec un filet jeté sur lui, il parcourut la ville et fit le tour du Palais en criant : « Ho ! ho ! le pêcheur ! Qui veut pêcher avec moi ? »

Il parcourut la ville avec ce cri, faisant le tour du Palais et s’arrêtant toujours devant les fenêtres du Roi. Finalement, le Roi ne put plus le supporter et vociféra : « Ouste, dégage ! Aurais-tu l’intention de pêcher dans les rues ? Quel pêcheur tu fais, paysan ! Et quelle belle prise tu feras dans mes caniveaux. »

« Et vous êtes un beau pêcheur de chevaux ! » rétorqua le fermier. « Et une belle prise que vous avez faite dans mon pré ! » Et le Roi, qui appréciait les bonnes répliques, éclata dans un rire sincère et ordonna à ses serviteurs de rendre le cheval à son maître.

Néanmoins, il était très en colère ; et lorsque l’homme fut parti, il appela sa femme et dit : « Je sais qui a soufflé ce tour à cet homme. C’était toi. Tu n’as aucun souci de mes intérêts. Tu préfères les paysans. Dehors, hors de chez moi ! »

Alors la reine Pina répondit : « Très bien, Majesté, je retournerai chez moi. Ils seront heureux de me revoir, tous ces paysans. Mais il n’est guère juste que je parte les mains vides. Quand tu m’as épousée, tu m’as dit : “Ce qui est le plus précieux dans ce palais t’appartient !” »

« Oh, prends ce que tu veux ! Mais va-t’en ! »

Pina avait certains dons féeriques ; et grâce à l’un d’eux, elle plongea son mari dans un profond sommeil. Et lorsqu’il fut profondément endormi, elle fit avancer un grand carrosse devant la porte du palais et le fit transporter à l’intérieur. Puis elle monta elle-même et ils partirent vers la chaumière de son père.

Quand il se réveilla enfin, il trouva Pina à côté de lui. Mais où étaient-ils ? Cela paraissait un endroit bien petit, et la lumière était faible ; son lit était exceptionnellement dur.

« Où suis-je ? Où suis-je ? » cria-t-il, un peu alarmé. « Que s’est-il passé ? »

« Seulement ce que tu as ordonné », répondit Pina. « Tu te souviens que tu m’as chassée. Mais tu m’as dit que je pouvais emporter avec moi ce qu’il y avait de plus précieux dans le palais. Alors je l’ai fait. Je t’ai emmené ! »

Le Roi éclata de rire, et rit encore, jusqu’à faire résonner les poutres de la chaumière. Et il rit tout au long du chemin du retour en calèche. Bien sûr, la reine Pina était à ses côtés, riant elle aussi. Ils ne se séparèrent jamais plus. Et leur règne fut long et joyeux.